PASSEGGIATE


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Le détroit de Messine

Carnets de voyages


Le projet a finalement été annulé en 2012 !


En mai dernier, un groupe de randonneurs de Passeggiate est parti vers le détroit de Messine à l'initiative d'Andrea et Pasquale, responsables de Naturaliter, une association calabraise qui pratique un tourisme responsable dans le respect et la défense de l'environnement. Naturaliter voulait faire prendre conscience aux participants des dommages que causerait la construction d'un pont entre la Calabre et la Sicile tout en leur offrant un séjour agréable et convivial.


Un des endroits les plus fascinants de la mer Méditerranée, certainement un endroit unique au monde par l'extraordinaire force de la nature, le détroit de Messine sépare la péninsule italienne de la Sicile, reliant la mer Ionienne au sud à la mer Tyrrhénienne au nord. Dans sa plus petite largeur, il mesure
3,3 kilomètres. Ses deux principaux ports sont à Messine et à Reggio di Calabria. De puissants courants le traversent, constituant depuis l'antiquité un réel danger pour les navigateurs non avertis.

Dans la mythologie grecque, Sylla était celui qui déchire, Charybde, celui qui attire dans l'abîme, deux monstres marins habitant dans deux gouffres de part et d'autre du détroit. "Tomber de Charybde en Sylla" signifie échapper à un péril pour tomber dans un autre. Transposé à notre époque, c'est fuir le danger de l'isolement social mais s'exposer aussi à l'inutile et calamiteuse solution de la construction d'un pont enjambant le détroit de Messine entre la Sicile et la péninsule italienne. La proposition des opposants, dont Naturaliter, était celle d'un "pont culturel", de la coopération entre les communautés locales, un réseau de rapports humains entre les deux rives, que favorise la marche, pour jouir au mieux de cette nature entre le monde archaïque de l'intérieur montagneux et celui mythique de la mer.



Le projet du pont


Le projet du pont de Messine, à l'étude depuis 1981, prévoit la construction d'un pont suspendu entre les deux rives du détroit dans sa partie la moins large, entre Messine en Sicile et Villa San Giovanni en Calabre. D'une portée de 3 300 mètres, il devrait être le plus long pont suspendu au monde. Ouvrage d'art multifonctionnel, à la fois autoroutier et ferroviaire, il devrait être payant avec une capacité prévue de 6000 véhicules à l'heure et 200 trains par jour. Il était prévu que sa construction dure six ans pour une mise en service en 2012… A la suite d'un appel d'offres, le marché de la construction a été attribué à un consortium assisté de banques italiennes, composé de diverses entreprises de travaux publics italiennes. Une famille mafieuse sicilienne établie au Canada se serait vue attribuer certains des contrats. C'est dire l'opacité du montage financier de toute l'opération.

Scilla, village de pêcheurs au nord de Reggio


Une vive controverse


Depuis le début des années 2000, de multiples obstacles et revirements de situations sont intervenus. En 2006, le gouvernement Prodi renonce au projet. "C'est l'œuvre la plus inutile et la plus dommageable qui ait été projetée en Italie ces cent dernières années", a déclaré à l'époque Alessandro Bianchi, ministre des Transports du gouvernement Prodi. En 2008, le gouvernement Berlusconi revient sur cette décision et annonce le financement comme définitivement réglé en 2009. En décembre 2010, le projet graphique est présenté au public. Il devrait coûter 6 milliards d'euros, dont 2,5 financés par la société Stretto di Messina, le maître d'oeuvre. Cette société de droit public a été créée en 1981 pour réaliser les études et la conception du projet, la construction de l'ouvrage et sa gestion ultérieure. Ses principaux actionnaires, outre les régions de Sicile et Calabre, sont des entreprises publiques italiennes.

Approuvé par le Conseil européen en décembre 2003, ce projet faisait partie des trente projets prioritaires du réseau transeuropéen de transport (TEN). Il est finalement retiré des priorités européennes en mars 2004. En décembre 2004, des manifestations de partis de gauche et écologistes dénoncent le coût et les risques pour l'environnement. Refusant l'amorce des travaux, ils militent pour l'investissement des sommes dans l'amélioration plus que nécessaire du réseau routier existant et la rationalisation des transports actuellement déficients tant en Sicile qu'en Calabre. A titre d'exemple, une autoroute qui traverse l'Italie du nord au sud, la plus importante du pays, est en travaux depuis de nombreuses années et loin d'être terminée, notamment en Calabre. De nombreuses routes secondaires calabraises sont dans un état déplorable.

En fait, depuis le début, ce projet grandiose soulève de multiples interrogations et suscite de vives critiques. Parmi les défis techniques à relever, outre la portée considérable sans piliers intermédiaires dans la mer, figurent le risque sismique très élevé dans la région et le vent qui pourrait obliger à fermer le pont plusieurs fois par année (le pont est prévu pour résister à des vents de 216 km/h et à des séismes de magnitude 7). Se posent également des problèmes écologiques liés à l'équilibre fragile d'une zone sauvage comprenant plus de 300 espèces d'oiseaux. En octobre 2005, la Commission européenne a accusé l'Italie d'avoir fait preuve de légèreté lors de l'étude d'impact du projet sur l'environnement.

Lors des élections législatives de 2001, le candidat Silvio Berlusconi en a fait l'une de ses promesses électorales. Les travaux devaient commencer en 2006 pour se terminer en 2012… Nous sommes en 2011, le projet est au point mort et il est fort possible qu'il ne voit jamais le jour. De quoi réjouir les populations riveraines hostiles au projet, sans compter tout le personnel navigant des lignes de traversiers assurant quotidiennement le transfert des personnes et le transport des véhicules entre la Sicile et le continent. L'annulation du projet représentera sans doute un coût tout aussi considérable que sa mise en œuvre…



Notre randonnée sur le détroit de Messine s'intitulait "avant le pont". Elle nous a permis de redécouvrir les paysages de Calabre, autour de Bova et Pentedattilo. Depuis sept ans Pentedattilo a beaucoup changé, plusieurs maisons ont été restaurées, des boutiques d'artisanat s'y sont installées et des gîtes sont ouverts durant les mois d'été. Bagaladi, au sud de la Calabre, fut une belle découverte, tant pour la randonnée dans le maquis couvert de fleurs que pour l'accueil très chaleureux de ses habitants. Ce village est réputé pour sa production d'une excellente huile d'olive
(le mot Bagaladi, d'origine grecque, signifierait "vallée des oliviers"). Du sommet des massifs montagneux s'ouvre un panorama magnifique sur le détroit de Messine et l'Etna. Tout aussi intéressantes ont été les randonnées sur les rives du détroit en son point le plus étroit : le sentier bleu, Scilla, et Messina, en face, sur la rive sicilienne. A l'extrême pointe nord-est de la Sicile, se trouve le Centre marin "Horcynus Orca", avec son parc écologique didactique destiné à la préservation du site, situé sur l'emplacement d'un ancien fort entièrement restauré et transformé en centre culturel et d'expositions artistiques. Andrea tenait absolument à nous y emmener pour rencontrer le jeune directeur qui nous a fait visiter le site et nous a présenté avec beaucoup d'enthousiasme les projets de ce centre à vocation scientifique et culturelle. Notre séjour s'est terminé à Amendolea chez Ugo, le patron de la ferme auberge qui cultive la bergamote, que nous avons retrouvé avec beaucoup de plaisir. Ambiance toujours aussi chaleureuse, cuisine excellente, musique et tarentelle.


Andrée Houmard-Letendre, septembre 2011

Photos : Andrée Houmard-Letendre

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Dernière mise à jour le 23 juin 2017 | passeggiate@free.fr

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